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Entretien avec Fausto Paravidino

di Alessandro Tinterri
  Fausto Paravidino
Data di pubblicazione su web 02/02/2007  
Fausto Paravidino, jeune auteur italien dont trois pièces ont été traduites en français à ce jour [1], propose dans ses textes une approche percutante de l’actualité en fustigeant notamment le libéralisme à tout crin. Voici la traduction d’un entretien que Fausto Paravidino a accordé à un site théâtral italien, dans lequel il retrace son parcours de création et où transparaît son regard acerbe sur la société contemporaine occidentale.

 

Comment la pièce Peanuts est-elle née ?
Le National Theatre m’a passé une commande en décembre 2000. Il était question d’écrire une pièce adressée au jeune public, dans le cadre d’un projet qui s’appelle "International Connections", une initiative intéressante qui fait chaque année des commandes d’écriture de textes pour les écoles à une dizaine d’écrivains, pas forcément des anglais, sans aucune contrainte particulière. A cette époque je travaillais sur la pièce Nature morte dans un fossé, mais, après les événements du G8, je sentais que ce que j’avais écrit était inadéquat à ce qui était en train de se passer. J’ai tout balancé, j’ai demandé une prolongation et j’ai recommencé. J’avais l’impression qu’il était nécessaire de ne pas perdre l’occasion de faire connaître à l’étranger ce qui s’était passé en Italie.

Tu étais à Gênes pendant le G8 ?
Non, j’étais à Paris, et le premier jour du G8 j’étais à Londres, au Royal Court, où, en discutant avec un metteur en scène auquel je rendais visite, je disais qu’à Gênes il allait y avoir un gros bordel. Il n’était pas difficile de le prévoir, vu comment les choses avaient été mises en place : la ville militairement occupée par les forces de l’ordre, les huit chefs d’Etat enfermés comme dans une forteresse assiégée, des barricades partout qui encerclaient le centre d’une ville fantôme, et enfin le bruit des hélicoptères en permanence au-dessus des têtes… J’avais plein de copains à Gênes  et j’étais en contact avec eux pour savoir comment les choses se passaient. Les événements de Gênes ont eu une grande couverture médiatique qui a produit beaucoup de matériaux filmés. Des nouveaux paraissent encore maintenant. Heureusement, car à défaut de toute cette documentation vidéo, le mécanisme de la répression du pouvoir aurait été encore plus dangereux. En plus de la répression physique, il y aurait eu la répression médiatique.


Peanuts, messa in scena di Stanislas Nordey
Peanuts, messa in scena di Stanislas Nordey
C’est vrai. Une section entière de la cinquième édition du Genova Film Festival est consacrée cette année aux films du G8. Peanuts voulait donc être une pièce de contre-information.
Peanuts est née de l’urgence de témoigner. Je lisais dans le livre Non lavate questo sangue (Ne lavez pas ce sang) de Concita de Gregorio, la journaliste de La Repubblica, la préoccupation d’un médecin des urgences de Gênes qui craignait qu’on ne le croie pas. C’est le syndrome de Primo Levi, qui, au retour de Auschwitz avait un cauchemar récurrent : il racontait, mais on ne le croyait pas. Cela se produit lorsque l’horreur est tellement démesurée qu’on craint de ne pas trouver d’oreilles disponibles pour l’écouter. Peanuts a été pensée pour un public international, même si, avant même d’être écrite, la pièce avait été choisie par le metteur en scène Sergio Maifredi du Théâtre de la Tosse de Gênes. Le langage a été le premier problème pour moi. Comment parler à des gamins anglais ? Quand j’avais été en Grande-Bretagne pour travailler à la pièce Malattia della famiglia M, j’avais découvert qu’il y avait des différences culturelles auxquelles je n’aurais jamais pensé. Par exemple, pour le traducteur anglais il est très important de savoir quelle est la classe sociale des enfants auxquels je m’adresse, car les écoles anglaises sont divisées par classes sociales. Chose qui, en Italie, où les écoles pour l’instant sont pour la plupart publiques, n’est pas aussi claire. Je ne voulais ni faire une opération de tourisme culturel, l’auteur italien qui vous montre comment l’Italie est faite, ni de l’autre coté, me déguiser en écrivain britannique. Et puis l’occasion de faire parler des jeunes avec d’autres jeunes était trop savoureuse. Et c’est là que la globalisation intervient. J’ai cherché un modèle de dialogue commun aux deux, moi et eux, et j’ai pensé à la bande dessinée, au langage universel des Peanuts, qui sont comme du Beckett, mais en bande dessinée. Les Peanuts de Schultz sont absolument beckettiens, sauf que, au contraire de Beckett, ils sont populaires. J’ai donc emprunté les personnages de Schultz, je les ai vieillis et je les ai balancés à la caserne de Bolzaneto, où les jeunes, arrêtés par la police qui avait fait irruption dans l’école Diaz, furent soumis à des menaces et à des violences de tout genre.

Quelle est la correspondance entre les personnages de Peanuts et les personnages de la bande dessinée ?
Dans la première version, les noms des personnages étaient les mêmes que ceux de la bande dessinée dont ils étaient inspirés. Ensuite, pour des raisons de droits d’auteur, on a préféré les déformer, même si certains restent très reconnaissables. Le nom de Charlie Brown est devenu, comme Buddy, un nom commun comme par exemple « Mario Rossi » en Italie ou « Franz Schmidt » en Allemagne. Minus est Linus, Schroeder est devenu Schkreker, d’autres sont encore plus transparents, comme Snoopy qui est devenu Snappy ou Sally qui est Silly ou encore Woodstock-Woodschlock, alors que Lucy est devenue Magda.

Y a-t-il une correspondance psychologique entre chaque personnage de Schultz et chaque personnage de la pièce ?
J’ai essayé de maintenir une adéquation avec le personnage original et dans certains cas j’ai réussi, comme pour Charlie Brown, Sally et Lucy. Avec d’autres j’ai moins réussi : certains personnages de Schultz ont une psychologie qu’on peut retrouver chez les adultes, alors que d’autres restent confinés à l’enfance. Par exemple, il y a de nombreux Charlie Brown adultes dans le monde. Et puis il y a les animaux, par exemple le fait que Snoopy soit un chien a été traduit dans le caractère anarchiste de Snappy, alors que Woodstock se prêtait à toute sorte d’opérations dramaturgiques à partir du moment où dans la version originale il s’exprime par petits traits et que personnellement je n’ai jamais compris ce qu’il avait à dire. Aussi souvent que possible j’ai tenté de garder les rapports d’amitié et les liens de famille, comme pour Charlie Brown et sa sœur Sally.

 

Peanuts, messa in scena di Stanislas Nordey
Peanuts, messa in scena di Stanislas Nordey

 
Je me souviens avoir lu quelque part qu’à l’origine de Peanuts il y a la constatation que Carlo Giuliani et Mario Placanica, le carabinier qui lui a tiré dessus, avaient le même âge.
C’est une chose qui m’a frappé. Nous sommes bien loin de Pasolini et de ses prolétaires en uniforme de policier. Alors que le jeune assassiné écrivait des poèmes en latin, Placanica, le meurtrier, interviewé à la télé, ne sait même pas aligner six mots d’affilée et c’est impressionnant de savoir que c’est l’Etat qui lui a mis une arme à la main. La tendance actuelle me paraît celle de recréer un monde de classes, et en plus, les pouvoirs de droite attaquent l’état social. J’ai l’impression que c’est celle-là, la droite qui s’avance : une droite pas tellement caractérisée par ses choix autoritaires plus ou moins fascistes, mais par son soutien à une société basée sur le pouvoir de l’argent, une société où c’est la loi du plus riche qui domine, et tant pis pour ceux qui n’ont pas réussi. La vieille Démocratie Chrétienne avait tant bien que mal transformé les italiens en une grande classe moyenne, et là est la vraie question de cette pièce. C’est sur la base de ce processus d’homologation, culturelle et autre, que, à Gênes, ceux qui défonçaient les têtes avec les matraques et les jeunes qui manifestaient, avaient les mêmes chansons en commun. Ce n’est pas un hasard si les musiques de Fabrizio de Andrè, chanteur anarchiste par excellence, étaient diffusées par les enceintes du Palais des sports, transformé, à l’occasion du G8, en une grande caserne.

Quelle est la fonction des titres des différentes sections ?
Dans leur ensemble, ils constituent une sorte de bréviaire des thèmes de la globalisation. Il fut un temps où on disait que la sphère personnelle est aussi politique. Les sections de la pièce représentent une tentative de mesurer dans la vie de tous les jours les grands thèmes de la politique, et elles en sont aussi une sorte de contre-chant ironique, sans jamais tomber dans la parodie. En général, le même concept exprimé de manière infantile dans le premier acte, revient dans le deuxième sous sa forme adulte. Mais, alors que dans le premier acte des situations très banales et à « mesure de gamins » correspondent à des titres tirés des grands thèmes de l’Histoire et de la politique, dans le deuxième j’ai attribué des titres inadéquats et sentimentaux à des scènes qui racontent un monde adulte aux traits inquiétants. A cause de leur minimalisme, les titres du deuxième acte ne correspondent pas du tout à la gravité de la situation qu’on raconte, et sont une sorte de message rhétorique et rassurant, dicté  par un ordre établi, uniquement occupé à minimiser.

Prenons des exemples. Au début, la présentation de Buddy paraît sous le titre de « Politiques du Travail ».
Buddy fait un travail d’esclave et lorsque les autres le lui reprochent, il répond par un exercice de rhétorique qui vise à masquer la réalité des faits, tout d’abord à lui-même et ensuite aux autres. C’est la barbarisation en cours actuellement dans le monde du travail globalisé. Il y a eu récemment en Italie, mais peut-être aussi ailleurs, une campagne de recrutement de Mc Donald, un exemple très clair pour expliquer le sens du travail intérimaire. Les affiches montraient des visages souriants de jeunes employés et en dessous de chacun on lisait « futur avocat, futur ingénieur », etc… ce qui voudrait dire que Mc Donald ne vous promet aucun avenir, et d’ailleurs qui voudrait d’un avenir chez Mc Donald ? Ce qui n’est pas dit c’est que Mc Donald propose une paie minable et un contrat de six mois, et je doute fortement qu’après une journée de travail chez Mc Do, on ait suffisamment d’énergie pour mener à bien des études d’avocat ou d’ingénieur.

Un autre exemple : « Les médias contrôlent le monde. Permis de séjour ».
Je ne pense pas vraiment au Big Brother d’Orwell, mais plutôt au fait que l’Empire envoie de par le monde ses armées, mais que tout d’abord il transporte ses produits par la plate-forme médiatique. D’abord le cinéma, ensuite la CNN et enfin le Coca-Cola. Le résultat est l’homologation du journal télé et le fait que chacun de nous a l’impression de vivre dans la banlieue de New York. Mais l’exception existe aussi, et c’est pour cela qu’il existe encore des compartiments de résistance étonnants.

Continuons : « Schengen libre circulation d’homme et de marchandises ».
J’ai été très frappé par l’interruption du traité de Schengen pendant le G8 de Gênes, et que cela soit accepté sans trop de protestation des gouvernements européens. C’est l’un des paradoxes du monde globalisé : les marchandises circulent, parfois on paie même les taxes dessus, les capitaux circulent encore plus aisément, mais pas les gens. La frontière se situe pour Silly à la porte de la maison que Buddy doit surveiller ; pour y faire entrer ses copains, elle essaie de le convaincre avec l’argument qu’ils apporteront des choses : comme s’il fallait les accepter non pas pour ce qu’ils sont mais pour les biens matériels qu’ils apportent. Voilà, les camionneurs qui transportent des marchandises peuvent circuler librement. 

« Les idéaux là et tout de suite ».
Le thème est incarné par Magda, qui fait des études d’ingénieur seulement pour suivre le désir de ses parents et qui calcule la date probable de leur mort afin d’acquérir sa liberté.  C’est l’écart avec ce raisonnement tordu selon lequel dans l’attente d’un avenir meilleur, la réalpolitik suggère d’accepter un présent basé sur le compromis. Sauf qu’après on s’aperçoit que ce que l’on pensait être transitoire se révèle définitif et que la vie est passée dans l’attente d’une occasion qui ne s’est pas présentée.

« Révolution et nouvelles techniques de lutte politique ».
C’est évidemment un dialogue parodique entre deux personnages, l’un intégré et l’autre animé par un élan révolutionnaire indistinct, dominé par l’impulsion de tout fracasser, sans un dessin politique précis. C’est peut-être le moment le plus triste de toute la pièce. C’est l’image des émeutes de Los Angeles, de la révolution argentine, où la population est descendue dans la rue pour manifester, en frappant des cuillères sur des marmites vides, mais personne n’avait dans la tête une véritable alternative politique.


Genes 01, messa in scena di Stanislas Nordey
Genes 01, messa in scena di Stanislas Nordey

 

Quel est le sens de la politique pour ta génération ?
Je précise que je n’ai pas envie de parler au nom de ma génération, entre autre parce que je crains que mes copains et moi n’en soyons qu’un échantillon statistiquement peu représentatif. Je crois qu’il y a actuellement un véritable problème de représentation. Beaucoup de citoyens, et pas seulement ceux de ma génération, ne se sentent plus représentés par la politique traditionnelle et aujourd’hui, les mouvements contre la globalisation recherchent d’autres lieux et d’autres manières de faire de la politique. Les associations de volontariat sont souvent la réponse à cette envie retrouvée de faire de la politique. Mais ce qu’on ressent est le manque d’un projet. Même l’âme verte et écologiste de l’Europe ne bouge qu’à l’intérieur des catégories économiques propres à l’économie de l’exploitation. Au fond, l’Europe ne se différencie des Etats-Unis que par sa timidité, par moins d’arrogance, par un reste de culpabilité, dû, peut-être, à son passé colonialiste. Mais on n’en est pas encore à une inversion de la tendance capitaliste, celle qui mesure les paramètres de Maastricht en terme de croissance du PIB (produit intérieur brut), alors que l’objectif de l’économie mondiale devrait être la réduction du PIB. Je comprends que la crise du marché de l’automobile engendre le chômage, mais en arriver à souhaiter l’expansion perpétuelle du marché de l’automobile nous amènera tout droit à la catastrophe, et pas uniquement à la catastrophe de l’environnement. Je n’ai pas de recettes, je constate seulement le manque d’une idée politique alternative.

D’où vient ton lien avec le théâtre anglais et comment as-tu été invité par le Royal Court ?
Après, j’avais écrit Due fratelli qui avait emporté le Prix Riccione 1999. Les gens du Royal Court l’ont lu et m’ont demandé de leur envoyer les autres pièces, ensuite ils m’ont contacté. Je suis arrivé à Londres avec une semaine d’avance pour essayer de prendre de l’aisance avec la langue et c’est là-bas que j’ai terminé La malattia della famiglia M. Le stage durait un mois et d’après ses objectifs, on devait faire aboutir un travail en chantier, participer à des séminaires d’écriture, et à des rencontres avec des metteurs en scène et des auteurs reconnus, comme Harold Pinter et David Hare. Mais la chose la plus stimulante était la rencontre avec les autres stagiaires, une vingtaine, venus de tous les pays du monde. Ce n’était pas un cours d’écriture, mais un échange culturel, même pour les auteurs du Royal Court qui venaient nous voir.


Genes 01, messa in scena di Stanislas Nordey
Genes 01, messa in scena di Stanislas Nordey


Comment Gênes 01, la pièce commandée et ensuite représentée au Royal Court, est-elle née ?
J’étais en contact avec le Royal Court depuis le stage, et la commande m’a été faite dans le cadre d’une initiative conjointe entre le Royal Court et l’association Human Rights Watch, une sorte d’Amnesty International qui, à cause des violences du G8, avait inscrit l’Italie dans la liste des six pays du monde où il y avait violation des droits de l’homme. Ils ont donc passé une commande d’écriture à un écrivain pour chacun des six pays en question. Gênes 01 est née comme ça, c’est une pièce qui vient après Peanuts et qui retrace les jours du G8 sur le style sec du théâtre-documentaire, tel un reportage journalistique.

Tes pièces sont très différentes les unes des autres, Nature morte dans un fossé, par exemple, appartient au genre noir.
Je fais des tentatives. Je ne m’identifie pas à un genre en particulier, je cherche à changer, pour voir où je réussis le mieux et aussi pour me donner des contraintes. Se donner des contraintes aide l’imaginaire.

Qui sont tes maîtres ?
Comme acteur j’ai beaucoup étudié le cinéma et en particulier la « comédie à l’italienne », comme auteur si je pense à une comédie, je pense à Eduardo de Filippo. Mais pour moi l’auteur de la dernière grande révolution linguistique au théâtre est Harold Pinter, avec sa capacité à isoler le caractère absurde de notre présent quotidien, ce qui a amené la critique à croire que c’était un auteur du théâtre de l’absurde. J’aime beaucoup aussi Jon Fosse, dramaturge norvégien qui a une écriture très elliptique, absurde en apparence, mais, si tu regardes bien, tu t’aperçois que chaque chose est en réalité le vecteur d’une pensée. Sauf que, à la différence de Pinter, dans ses pièces il ne se passe vraiment rien, on ne peut pas dire qu’il y ait une histoire, mais au fur et à mesure, il t’amène quelque part, dans une atmosphère qui fait qu’à la fin tu comprends tout. Je l’ai lu en français et en anglais, c’est facile car il utilise en tout trois cents mots, comme dans les bandes dessinées. Cela ne fait pas très longtemps que je reçois des pièces à lire : en Italie l’édition théâtrale n’est pas très répandue, mais, heureusement, il les gens du milieu s’échangent des pièces. Et puis il y a Sarah Kane qui a un sens religieux de la tragédie de la vie : c’est une écrivaine très puissante, mais elle ne pourra jamais être le modèle à imiter pour moi.

Comment as-tu rencontré le théâtre ?
Au lycée j’ai fait du théâtre avec les copains, puis j’ai été reçu à l’école nationale du Théâtre de Gênes, et très vite j’ai rejoint les élèves de la deuxième année qui voulaient fonder une compagnie. J’avais rencontré Lello Arena, comédien qui a joué avec Massimo Troisi, et il s’est proposé comme metteur en scène. La présence de Nicola Piovani et de Vincenzo Cerami, le musicien et le scénariste de La vie est belle (de Benigni), assurait une tournée conséquente : comment ne pas croire à deux Oscar ? On a eu l’impression d’avoir gagné le gros lot. On n’avait rien dit à l’école, mais deux fois par semaine on répétait à Milan Le Songe d’une nuit d’été : on se réveillait à six heures pour aller à Milan, on répétait et on revenait à l’école à deux heures de l’après-midi. Cela faisait un mois qu’on avait commencé, un jour il y a eu un embouteillage sur l’autoroute, on est arrivé tous en retard et on a dû passer aux aveux. L’année terminée, on s’est tous revus à Rome pour mettre en scène le spectacle. Quelques mois après on était encore là-bas, la tournée était tombée à l’eau, l’école de théâtre avait recommencé sans nous, on était tous au chômage à Rome, sans avoir la moindre idée de ce qu’il fallait faire : retourner à Gênes voulait dire avouer notre échec.

La pièce Gabriele s’est nourrie de cette expérience ?
J’avais été convoqué dans le nord pour faire mon service civil parmi les ambulanciers à Alessandria, une région de brouillard et d’autoroutes, et j’en ai vu  de toutes les couleurs cette année-là dans les ambulances, j’ai vu toute la dramaturgie de la terre. Dès que je pouvais, je retournais à Rome pour voir mes amis, le temps passait et rien ne se produisait. Une fois l’année terminée, je suis retourné vivre à Rome. Le groupe s’était dispersé, mais moi je croyais toujours que huit futurs acteurs enfermés dans un appart pendant un certain temps pourraient produire quelque chose. C’est comme ça que Gabriele est né, écrit à quatre mains avec Giampiero Rappa. L’histoire de jeunes aspirants comédiens dans un appartement à Rome et de leur crise.

Aujourd’hui tu bouges entre Rome, où tu vis, Londres et Paris… mais tu as passé la plupart de ta vie à Rocca Grimalda, où tes parents habitent toujours, un petit village typique de 1310 habitants, qui domine une vallée où on produit du bon vin et où, depuis quelques année il existe un Laboratoire Ethno-anthropologique très actif, qui organise chaque année des colloques internationaux très intéressants. Tout cela donne l’idée d’une vie bien tranquille, et en même temps une vie monotone pour un jeune.
Rocca Grimalda reste un de mes sujets préférés, un sujet sur lequel il y a toujours des choses à écrire car je pense qu’on ne l’a pas suffisamment raconté : on a raconté un village et une campagne qui n’existent plus, mais pas cette étrange cohabitation entre les étables avec leurs vaches, les cours avec les poules et les modèles esthétiques de la ville, médiatisés par les pubs de la télé. Aujourd’hui Rocca Grimalda est un lieu qui a perdu ses références culturelles. J’aime appeler Rocca Grimalda et toute la région Ovadese « la périphérie de New York », car les jeunes ne s’identifient pas à la campagne, mais ils se sentent culturellement à la périphérie de New York, c’est le modèle que les médias leur transmettent et dont leur façon de s’habiller témoigne. Le village comme noyau de gens qui se connaissent et qui se fréquentent existe toujours, mais en réalité il a explosé avec l’arrivée de la voiture, et les liens d’amitié se sont distendus comme à Rome par exemple. Quand je reviens dans le nord pour aller voir des amis je me tape en moyenne 120 km par jour. Là il y a une jeunesse qui voyage, voyage, voyage… Pour un jeune, le monde change radicalement lorsqu’il a 18 ans, qu’il a son permis de conduire et qu’il entre dans le monde des adultes, lorsqu’il peut prendre la voiture et se taper des kilomètres et des kilomètres pour arriver à vivre sa périphérie de New York.

Quel est le sens du théâtre pour toi ?
C’est un moyen pour communiquer, c’est une occasion pour partager les joies et les douleurs, les pensées et les émotions dans un lieu public.

 



[1] Deux de ses pièces ont été créées en France par Stanislas Nordey : Gênes 01 et Peanuts, au festival Mettre en scène, Rennes, du 6 au 19 novembre 2006 et à Théâtre Ouvert, Paris, 4 au 16 décembre 2006.








 
 


 

locandina di Genes 01 e Peanuts, messi in scena da Stanislas Nordey
locandina di Genes 01
e Peanuts,
messi in scena da
Stanislas Nordey

 

 


 

Sito ufficiale del
Théâtre Ouvert

 




 


 

A colloquio con Fausto Paravidino, entretien réalisé par Alessandro Tinterri
tiré du site drammaturgia.it

Traduction de Valentina Fago
Article publié dans le Journal de Théâtre Ouvert n°17 (janvier à mars 2007)




Publiées en France à l’Arche éditeur :
Gênes 01 et Peanuts, traduits de l’italien par Philippe Di Meo, 2005
Nature morte dans un fossé, traduit de l’italien par Pietro Pizzuti, 2006





 

 

 

 

 

 

 

 

 



 

Fausto Paravidino
Fausto Paravidino


























 
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